Sigurd ASKEVOLD

Sigurd 1942Sigurd 1950

 

 

 

 

 

 

Sigurd en 1942, à gauche, portant l’uniforme, et peu avant son départ pour le Canada en 1950, à droite.
© Collection privée, famille ASKEVOLD

 

1917 – 1998

Sigurd Askevold grandit dans un milieu intellectuel et démocrate, qui très vite, se retrouve en opposition avec les valeurs véhiculées en Allemagne dès les années 1920 et 1930. Son père, Vadding Askevold, immigré Norvégien, exerce à Kassel en tant que professeur de langues modernes (anglais, français, allemand). Il est également engagé politiquement et connu comme figure locale, notamment depuis que les journaux en ont fait leur une pour avoir décroché le portrait du Reichspräsident von Hindenburg de sa salle de classe. Porte-parole des candidats sociaux-démocrates (SPD) pour la campagne électorale à Kassel, il compte parmi les tout premiers opposants au régime national-socialiste instauré dès 1933. La même année, il réussit in extremis à s’enfuir quelques minutes avant son arrestation, et sa déportation programmée.

Sigurd, chahuté très jeune comme « fils de », comprend relativement tôt que les valeurs nationales-socialistes mèneront à guerre, à laquelle il ne souhaite pas participer. Malgré lui, néanmoins, commence dès 1937 un long engagement militaire à travers son Reichsarbeitsdienst puis son service militaire. Jeune étudiant en langues, ses supérieurs le voient déjà élève-officier, ce qu’il refuse, contre l’avis de sa mère : en aucun cas, il ne souhaite devoir porter de responsabilité dans l’Armée du Reich. D’abord soldat dans l’infanterie (Oberkanonier) et formateur de nouvelles recrues, il participe aux campagnes de Pologne et de France : au sein de la 29ème division d’infanterie (Panzergruppe Guderian), il fait partie des unités qui envahissent le territoire comtois, et notamment Besançon le 17 juin 1940. Après quelques mois passés à Varzy (Nièvre) en tant qu’interprète, où il tombe amoureux d’une Française, il est envoyé en Belgique afin de préparer l’assaut face à l’Angleterre – projet finalement abandonné par le Reich – puis sur le front russe. Il est alors témoin de scènes d’exécutions massives de populations juives locales, à Vitebsk, qu’il dénonce à qui veut l’entendre. La mention « politiquement peu fiable » était déjà inscrite dans son dossier, mais dès lors, les peines pour insubordination ponctuent son parcours.

Comme certains jeunes de l’époque, on l’autorise à poursuivre pendant un semestre ses études, à Fribourg-en-Brisgau. Loin des combats, il y rencontre sa future femme, mais doit par la suite repartir au front. Désormais sous-officier au sein d’un régiment de transmission, de bonnes relations le renvoient à l’Ouest – en Norvège et en France – et à nouveau en Allemagne, où Sigurd Askevold suit une formation d’interprète. En tant qu’informateur radio et traducteur, il prend tout son temps (plusieurs semaines !) pour se rendre en Normandie où, après le débarquement, il est censé relever les mouvements des Alliés et en avertir son unité. Il préfère au contraire prévenir les populations locales des différentes « descentes » de ses collègues prévues contre les FFI puis, à Royan, il se constitue prisonnier auprès des Américains.

Il connaît plutôt de bons traitements au cours de ses mois de captivité en mains américaines, où il sert là encore de traducteur. Transféré de camps en camps, il passe plusieurs mois à Mailly-le-camp, dans l’Aube, d’où il s’évade avec un camarade à la fin de l’été 1945 : tous deux sont arrêtés à la frontière suisse et conduits au Dépôt 85 de Besançon. Sa captivité en mains françaises est toute autre : vêtements et nourriture de médiocre qualité, il assiste aux mauvais traitements infligés à certains prisonniers et passe lui-même plusieurs semaines au cachot, tandis que ses seules sorties quotidiennes autorisées sont pour vider une baignoire qui sert de latrines aux malades de l’infirmerie. Il en profite toutefois pour cueillir des orties, qui viennent compléter son alimentation. Par pur hasard, il réussit à interpeler un officier américain de passage à la citadelle qui le fait, avec quelques autres prisonniers, sortir immédiatement du camp. À nouveau transféré à Mailly-le-Camp, il y passe encore plusieurs mois jusqu’à ce qu’un officier américain fasse une « affaire personnelle de le mettre dans le prochain train pour l’Allemagne », au printemps 1946.

Après neuf ans et demi d’engagement militaire, il retrouve sa famille – saine et sauve – se marie, et émigre au Canada.

« Twenty-five years after the war I was plagued almost every night by nightmares. During the day I led a normal life. I finished my education, got married and raised a family. On the surface I had overcome the years of my life wasted in the war.

But at night, over and over, I was in the grip of nightmares. During these years I couln’t and would’nt talk about that time […] Then a sever illness forced me into a six week time of recovery. I decided to put my experiences on paper. That decision freed me from my nightly attacks of nightmares. »

Extrait de ASKEVOLD (Sigurd), A worm in the apple, Digital Publishing of Florida, 2016.

Couv' ouvrage

 

Aucune maison d’édition allemande n’a souhaité, après la guerre, publier ses mémoires, qu’il a également écrits en anglais. C’est son fils, Ingolf, que nous avons rencontré, qui a enfin réussi, en 2016.